Oubliez l’idée que les documents administratifs dorment dans un tiroir, oubliés de tous. La fiche d’entreprise, elle, ne connaît pas le sommeil : elle circule, elle s’actualise, elle façonne le dialogue social. Son accès n’a rien d’anodin. Qui y a droit ? À quelles conditions ? Et pourquoi tout cela ne relève-t-il pas du détail ?
La fiche d’entreprise : un outil central pour la santé et la sécurité au travail
La fiche d’entreprise n’est pas une simple formalité. Exigée de chaque employeur, elle s’inscrit au cœur de la politique de santé et sécurité au travail. Ici, le médecin du travail pilote : il porte la responsabilité du contenu, de la mise à jour, du suivi. Le but est clair : cartographier les risques professionnels qui pèsent sur les salariés, détailler les effectifs concernés et recenser les moyens de prévention mis en place.
Ce document évolue. Il ne s’agit pas d’un cliché figé, mais d’un dossier vivant, revisité au minimum tous les quatre ans, et plus tôt si un bouleversement intervient dans l’organisation ou les méthodes de travail. L’employeur doit, à chaque étape, fournir toutes les données utiles au médecin du travail afin de garantir une évaluation précise et complète. Ce mécanisme s’inscrit dans une dynamique de prévention continue.
Pour mieux comprendre ce que contient ce document, voici les principaux éléments qui y figurent :
- Risques identifiés et dispositifs de prévention associés
- Liste des effectifs exposés
- Suivi des évolutions des conditions de travail
L’accès à la fiche d’entreprise ne se fait pas à la légère. Plusieurs instances y ont accès : le CSE (comité social et économique), la CSSCT lorsqu’elle existe, l’inspection du travail, sans oublier la DREETS. Les informations les plus sensibles, notamment les données industrielles et techniques, restent couvertes par le secret professionnel. Cette confidentialité protège la compétitivité de l’entreprise. Enfin, la fiche d’entreprise complète le DUERP, formant ensemble un socle solide pour évaluer les risques et affiner les mesures de prévention en santé au travail.
Qui peut accéder aux informations contenues dans la fiche d’entreprise ?
La fiche d’entreprise ne s’affiche pas sur tous les écrans ni ne traîne sur chaque bureau. C’est le médecin du travail qui détient ce document : il le rédige, le conserve, assure sa mise à jour. Mais la fiche ne reste pas sous clé. À échéance régulière, ou sur demande, plusieurs acteurs en prennent connaissance.
Le CSE, représentant les salariés, a un droit d’accès direct. Cette instance s’empare du document pour nourrir le dialogue sur les conditions de travail. Si une CSSCT est en place, elle reçoit également communication de la fiche. L’inspection du travail et la DREETS disposent également d’un accès complet, pour contrôler l’application du code du travail et les obligations réglementaires.
Pour clarifier les rôles de chacun dans l’accès à la fiche d’entreprise, voici la répartition :
- Médecin du travail : rédige, tient à jour, conserve le document
- CSE / CSSCT : consultation et information dans le cadre de leurs missions
- Inspection du travail et DREETS : contrôle et vérification réglementaire
La confidentialité demeure la règle pour les informations sensibles. Les données techniques ou industrielles susceptibles de nuire à la position concurrentielle de l’entreprise restent protégées. L’employeur a l’obligation de transmettre toutes les informations nécessaires au médecin du travail, sans pour autant disposer d’un accès exclusif à la fiche. Les salariés eux-mêmes n’y ont pas accès directement ; ce sont leurs représentants qui relaient les informations sur les risques professionnels et les mesures de prévention, garantissant ainsi une circulation contrôlée et sécurisée.
Salariés, CSE, employeur : droits et limites d’accès aux données professionnelles
Dans l’univers de l’entreprise, l’accès aux données professionnelles s’organise selon des règles précises, définies par le code du travail. Les salariés peuvent consulter certains registres, comme ceux-ci :
- le registre des questions du CSE
- le registre des dangers graves et imminents
L’employeur met ces registres à disposition. Pour d’autres documents comme le registre unique du personnel ou le DUERP (document unique d’évaluation des risques professionnels), la demande doit suivre une procédure spécifique.
Le CSE joue un rôle central dans la circulation de ces informations. Il accède à quasiment tous les documents obligatoires : fiche d’entreprise, registre sécurité, DUERP, registres des questions, registres des alertes. Les membres du CSE exercent ce droit dans le cadre de leurs missions, sans entrave ni restriction particulière. L’inspection du travail, quant à elle, se voit ouvrir l’ensemble de ces registres pour vérifier la conformité et, si besoin, déclencher des sanctions.
À l’ère numérique, la distinction s’affine. Un fichier informatique non identifié comme personnel est réputé professionnel. L’employeur est alors en droit d’y accéder sans la présence du salarié. Les emails professionnels sont soumis à la même logique. À l’inverse, un fichier ou un courriel clairement marqué « personnel » ou « privé » bénéficie du secret des correspondances. Dans ce cas, l’employeur ne peut y accéder qu’en informant le salarié et uniquement si la démarche est justifiée et proportionnée.
Négliger la tenue ou la mise à jour de ces documents expose l’employeur à des sanctions, parfois salées. La rigueur documentaire, loin d’être une simple formalité, reste la meilleure défense contre les litiges et les failles dans la prévention des risques au travail.
Dans chaque entreprise, la fiche d’entreprise n’est jamais qu’un dossier de plus. Elle raconte, à sa façon, l’histoire d’un collectif face aux risques, et trace les contours d’une vigilance partagée. Encore faut-il savoir qui tient la plume, qui tourne les pages, et qui reste à la porte.