Envoyer un mail qui termine par « cordialement » n’assure ni la paix des services RH, ni un climat propice à l’échange. La formule paraît anodine, mais elle en dit long sur la façon dont on envisage la relation professionnelle : par automatisme ou avec discernement ? La question agite les open spaces, embarrasse parfois les communicants et finit par glisser dans l’indifférence, à tort. Car signer un message, c’est déjà se positionner.
Pourquoi « cordialement » ne fait plus l’unanimité dans les emails professionnels
« Cordialement » s’est installé dans les échanges formels depuis des années, mais la mécanique commence à rouiller. Répéter cette formule à chaque mail finit par la vider de sa substance. Les expertes en efficacité écrite, comme Sylvie Azoulay-Bismuth ou Fabienne Schnyder, pointent une réalité : ce qui était censé ajouter une touche humaine donne désormais le sentiment d’un contact aseptisé. La politesse devient prévisible, la marque d’un échange tiède.
Trois travers émergent si on s’y accroche par habitude :
- Impersonnalité : À force d’injecter « cordialement » à tout va, chaque message commence à se ressembler. Le destinataire, au lieu de se sentir considéré, perçoit une formule générique qui n’apporte rien de personnel à l’échange.
- Contexte : Un mail adressé à un collègue demande une tonalité différente de celui réservé à une administration. Appliquer le même schéma partout, c’est ignorer la nature de la relation et du dialogue.
- Risques de froideur : Quand la formulation devient purement routinière, le message s’en retrouve glacé. Plutôt que de rapprocher, cela crée une distance mécanique, perçue comme un réflexe plus que comme une attention.
Les entreprises et les professionnels de la communication misent aujourd’hui sur plus de flexibilité. Varier les signatures, « bien à vous », « sincères salutations », « à bientôt », traduit une vraie volonté de personnalisation. Choisir sa formule, c’est accorder du poids à chaque mot et rappeler que l’on s’adresse à une personne, pas à une case.
Quelles sont les limites (et les risques) de cette formule toute faite ?
Impossible de nier le succès de « cordialement », mais la répétition forcée commence à déplaire. Trop d’uniformité désamorce la singularité du propos et appauvrit l’échange. Quand le pilote automatique s’installe, la qualité du message en pâtit.
Quelques attitudes courantes à surveiller pour éviter une communication fade :
- Routine inadaptée : Employer « cordialement » pour chaque message, peu importe le contexte, donne l’image d’une absence totale de réflexion. Collaborateur, client ou responsable : chacun attend légitimement une nuance ajustée.
- Abréviations : Ces raccourcis (« cdlt », « slt ») font perdre tout sérieux dès qu’il s’agit de messages professionnels. Leur usage dessert la qualité perçue de l’échange, le message glisse vers la désinvolture.
- Politesse vieillotte ou surchargée : Les formules surannées ou les salutations amphigouriques tiennent davantage de la grandiloquence que du respect. Pour être clair et efficace, rien ne remplace la simplicité directe.
D’autres écueils guettent : ponctuation excessive, émoticônes mal placées ou fautes d’orthographe fragilisent la crédibilité du message. Adapter la formule à la relation reste la clé d’une correspondance qui garde du relief. Le mail professionnel n’est pas un espace figé ; il reste tout à construire.
Des alternatives modernes pour conclure vos messages avec justesse
Choisir une formule de politesse adaptée repose sur l’attention portée à la relation et au contexte. Les codes évoluent, tout comme les attentes : il ne s’agit plus de trouver une formule passe-partout, mais de soigner la manière dont on termine chaque message.
Il est possible d’opter pour des signatures plus parlantes. « Bien à vous » exprime aisément la confiance installée dans une collaboration régulière. « Sincères salutations » balise un terrain plus formel. Pour marquer un remerciement sincère ou un lien de travail soutenu, « Avec mes remerciements » ou « Bonne journée » fonctionnent bien. Même « Sportivement » ou « Artistiquement » trouvent leur place dans certains milieux.
La signature électronique progresse aussi dans les entreprises. Outils comme Letsignit ou DocuSign simplifient la structuration de l’e-mail tout en laissant une place à la personnalisation. Mentionner clairement ses coordonnées, son poste et garder, dans la formulation, un ton adapté, c’est valoriser le destinataire avec sobriété, sans tomber dans l’excès ou la froideur bureaucratique.
Quelques exemples pour ajuster son message à la formalité attendue :
- Formel : Sincères salutations, Salutations distinguées
- Intermédiaire : Bien à vous, Avec mes remerciements
- Informel : Bonne journée, Merci pour votre retour
Mieux communiquer par écrit : adopter des formules qui vous ressemblent
Le mail professionnel ne se réduit pas à un simple transit d’informations. Ce qui compte, c’est aussi la trace que laisse chaque message. Pour Sylvie Azoulay-Bismuth, oser personnaliser sa signature devient la marque d’une vraie considération pour son interlocuteur. La répétition stérile épuise le lien, alors qu’une formule adaptée fait la différence.
Faites votre choix de formule de politesse selon la personne en face et le contexte. Pour remercier un service rendu, « Avec mes remerciements » prend tout son sens ; face à un partenaire régulier, « Bien à vous » manifeste une continuité. Les situations exigeant de la distance peuvent s’appuyer sur des salutations plus formelles, toujours avec mesure.
La rédaction ne se limite pas à la chasse aux fautes. L’attention portée à la signature, même concise, influe sur la qualité perçue de l’échange. Toute abréviation du style « cdlt » ou « slt » n’a pas sa place ici. L’époque privilégie la personnalisation, gage de pertinence et d’efficacité.
Garder le cap devient plus simple en ayant à l’esprit quelques principes :
- Choisissez votre formule selon la relation entretenue : client, collègue, supérieur hiérarchique.
- Mettez en avant l’objet de l’échange, qu’il s’agisse d’un remerciement, d’une collaboration ou d’un retour rapide.
- Soignez le fond et la forme de votre mail pour asseoir la crédibilité de votre message.
Quand on signe un mail, c’est tout un rapport qui se tisse, discret mais fondamental. En sélectionnant consciemment chaque formule, on donne aux messages la couleur du respect, de la proximité ou de la confiance : autant d’atouts pour éviter la grisaille des automatismes.

